
Ce matin-là, quand
Pierrot le boucher arriva au
rendez-vous qu'il avait lui-même fixé, quelle ne fut pas sa
surprise quand il aperçut la silhouette des chasseurs qui l'attendaient.
En effet, la veille il avait proposé à qui veuille bien l'entendre de l'accompagner à
la chasse dans l'arrière pays, dans un coin réputé pour la richesse de son
gibier.
Mais ce coup-ci, ce fut une véritable
dream team qui se composa d'elle même, presque
magique, de celles qui ne peuvent
apparaître spontanément que dans un
village comme
le nôtre...
Voyez plutôt :
Ricou dit
Ricou camino ,
Tchoa ,
Mitchèou,
Kiki,
Raymond Pétavino dit "l'ancien" et
le Cagnois ! ! ! Il est fort à parier que
Pierrot comprit dés lors que ce ne serait
pas une
journée comme les autres.

Une fois sur place, et comme il est de coutume,
Mitchèou sortit un peu de
charcuterie et une
bouteille de vin afin de s'adonner à quelques
collations avant l'effort. Puis ce jour-là, on ne sait par quel mystère, les autres qui ne
buvaient jamais d'alcool décidèrent de
trinquer avec lui.
Les
joyeux lurons, vite grisés par par un
taux d'alcoolémie pourtant proche du
zéro absolu, décidèrent d'
attaquer la
seconde bouteille, qui était pourtant prévue pour la fin de la journée.
Quelques minutes plus tard, alors que cette seconde bouteille n'était plus qu'un
vague souvenir, les
vannes commencèrent logiquement à
fuser, comme il se doit dans toute réunion légèrement
arrosée entre
gens du midi :
- "Oh pauvre, vous êtes salés, vous êtes même plus bons à tirer droit !" lança
Le Cagnois - "Qué salé ? tu rigoles ou quoi ?" lui répondit
Mitchèou.

A ces mots,
Le Cagnois, qui aimait bien en rajouter, décida de les
narguer en faisant un
geste théâtral :
- "Tè vé, même un capèou vous le louperiez !" Il enleva son
chapeau et le
jeta en l'air :
BOUMMM ! ! !
Pendant la fraction de seconde où le
chapeau prit son
envol,
Mitchèou, qui en tenait une bonne, et qui de plus était
allongé bien confortablement sur le
sol dans une position qui rendait théoriquement
impossible tout
mouvement rapide, se retourna
vif comme l'éclair, prit son fusil qui était à ses côtés, tira avec une
précision diabolique, et
explosa le chapeau qui n'avait
même pas atteint
l'apogée de sa trajectoire ! ! ! Une
virtuosité aussi
inhumaine dans un moment aussi
comico-absurde ne pouvait déclencher qu'un
fou rire monumental dans la bande, sauf peut-être pour
Le Cagnois :
- "Pitin Mitchèou, t'es fada ou quoi ? Je faisais ça pour rigoler, j'croyais pas que tu bousillerais mon chapeau" - "HAHAHA ! ! !" (fou rire général)
- "Quoi tu le jetterais ton chapeau toi ?" bisqua le Cagnois.
- "eh mi fa cagua vé, en has manquou dé capèou !" rétorqua Mitchèou
- "En ben jette ta chaussure alors, vas-y !" rageait le Cagnois...
... et
Mitchèou finit par
capituler. Il
enleva sa chaussure et la
jeta en l'air, légèrement de
mauvaise foi, d'une manière que dans la
position où se trouvait
le Cagnois, ce dernier ne
put l'atteindre... et pourtant :
BOUMMM ! ! !
Ce coup-ci partit du
fusil de Raymond dit L'Ancien ! Et si le
premier tir de
Mitchèou était
incroyable celui-ci ne l'était
pas moins, tout bonnement
miraculeux !
Nouveau fou rire pour l'
ensemble des chasseurs
sauf, ce coup-ci, pour
Mitchèou :
- "Pitin, t'es con, j't'ai rien demandé à toi Raymond" - "HAHAHA ! ! !" (fou rire général)
- "Et comment je vais faire à marcher toute la journée maintenant ?" continua-t-il
- "Ça va, arrête de râler..." lui répondit
l'ancien entre 2 bouffées de rire.
- "Il rigole lui ou quoi ? ! Ben vas-y ! maintenant c'est à toi de jeter quelque chose !" hurla
Mitchèou qui commençait
vraiment à s'
énerver - "..." Raymond ne
répondit pas, alors que les
autres hurlaient toujours
de rire.
- "Pour tira faÏ le bullou, ma pour jeta ya dégun !" narguait
Mitchèou d'une manière si
corrosive, que
les autres chasseurs en vinrent à s'
allier à sa cause :
- "C'est vrai, t'as tiré mais t'as rien jeté encore" criaient
Le Cagnois et
Kiki à
l'ancien.
Sur ce,
Raymond, qui n'
aimait pas qu'on lui
parle de la sorte, se leva
sèchement comme pour annoncer
la fin de ce
jeu délirant. Il ôta alors la
superbe montre qu'il avait au poignet, se planta face à
Mitchèou d'un air
défiant, et la
jeta en l'air :
BOUMMM ! ! ! HOHOHOHO ! ! !
Ricou, qui était plutôt
resté dans son coin depuis le début de cette histoire,
tira et
désintégra la montre en plein vol ! ! !
Selon le témoignage des personnes présentes, ce
troisième tir restera certainement le plus
légendaire, en termes de
temps de réaction et de
précision (d'horloger) !
En bon
arroseur arrosé,
Raymond se
vexa à son tour, et il s'ensuivit une
engueulade générale bien de chez nous où
chacun cherchait à
hurler plus fort que l'
autre, créant ainsi un
brouhaha du diable pendant quelques bonnes minutes.
Rien ne semblait pouvoir les
interrompre, lorsque qu'une
voix s'éleva
brusquement d'un
vallon plus bas :
- "Oh, c'est pas un peu fini là-haut ? ! ! On n'entend que vous ! ! ! Vous vous croyez où là ? ! !" Tous les
Biotois se
turent pour
écouter, et seul
Pierrot le boucher leur
chuchota :
-"Chuuut, faîtes pas les cons, je les connais !" ...
Pépé scandaleusement nègrifié par Tchoa.